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RSE, La boussole des entreprises

Le secteur du bâtiment est sujet à de nombreuses transformations qui impliquent une agilité plus importante que par le passé : le changement climatique, la quête de sens au travail des salariés, les difficultés d’approvisionnement, les exigences réglementaires notamment. Les chefs d’entreprise sont ainsi amenés à s’interroger sur la soutenabilité de leur modèle économique, à développer leur créativité pour s’adapter aux évolutions de la société en cours et anticiper au mieux celles à venir.

Ces mutations doivent être appréhendées comme « l’opportunité d’opérer un changement bénéfique » (Iréna Descubes, professeure et chercheuse à Rennes School of Business). Partageant cette vision, la FFB Bretagne a initié en 2021 une dynamique autour de la RSE – Responsabilité Sociétale des Entreprises – dans le but de démystifier cette notion et d’accompagner les adhérents dans cette nouvelle manière de gérer leur entreprise. Deux outils ont été créés : un programme d’accompagnement, en lien avec un cabinet de conseil, pour structurer leur démarche RSE ; une Communauté RSE, lieu d’échange et de partage entre les dirigeants.

Dans ce cahier spécial, nous avons souhaité recueillir le témoignage de plusieurs entreprises, de différentes tailles et corps de métier, qui se sont investies dans cette expérience.

Aux prémices de la RSE : l’engagement du dirigeant

Sandrine Quenouillère

A l’origine de la RSE, une aspiration a été unanimement mise en avant par les dirigeants : avoir une stratégie d’entreprise alignée sur leurs valeurs personnelles. « Tous ceux qui ne pensent pas la RSE avec sincérité ne passeront pas le cap », affirme Sandrine Quenouillère, codirigeante de l’entreprise Menuiserie Auguin (35). Plusieurs chefs d’entreprise ont en commun d’être animés par un engagement personnel, qu’il soit associatif, environnemental, citoyen, ou encore au service de la profession.

Dominique Le Saint

Une sensibilité qui rejaillit inévitablement sur la vision qu’ils ont de leur entreprise, à l’image de Dominique Le Saint, codirigeant de Sanit Confort, une société de plomberie-chauffage-climatisation (30 salariés) installée à Plérin (22). Le 12 mars 2022, il n’a pas hésité à se mobiliser pour aller chercher la famille d’un habitant de sa commune bloquée en Ukraine alors que la guerre avait éclaté trois semaines auparavant. « Tout s’est fait au dernier moment ! C’était un événement fort à titre personnel, un peu fou. Cette notion d’engagement, je souhaite la partager avec mes salariés », déclare-t-il.

« C’est une démarche où il faut être convaincu. Il ne faut surtout pas la faire pour cocher des cases »

Renan Gallardon

La Communauté RSE, le fer de lance de la dynamique RSE en Bretagne

Lancée en 2021, la Communauté RSE de la FFB Bretagne rassemble aujourd’hui plus 70 dirigeants. Pour son chef de file, Renan Gallardon*, « la richesse de la Communauté est la diversité des profils des entreprises ». Ce qui unit ces dirigeants ? Une ouverture d’esprit, une motivation et un leitmotiv :

« Dans un monde en transition, partageons et anticipons ensemble l’évolution de nos entreprises ».

Tout au long de l’année, plusieurs rencontres sont proposées aux membres de la Communauté sur des thématiques qu’ils ont eux-mêmes choisies, comme la stratégie d’entreprise, l’ancrage territorial, etc. Construits sur un mode participatif, ces ateliers leur permettent de bénéficier des retours d’expérience de leurs pairs ainsi que du regard éclairé d’un expert. Ils s’extraient ainsi de la gestion quotidienne de leur entreprise tout en repartant avec des pistes concrètes pour la développer. Des rencontres que ces dirigeants qualifient de stimulantes, d’inspirantes, qui se déroulent dans un cadre chaleureux et bienveillant.

Emilie Feral, Présidente du groupe RSE à la FFB nationale, se déclare « admirative du travail déployé en Bretagne. C’est une source d’inspiration pour tous les territoires et qui fera qu’à un moment donné, la RSE infusera l’ensemble de la filière ».

*Renan Gallardon est codirigeant de l’entreprise de déconstruction DEM 7 (31 salariés) dont le siège est à Quimper (29).

La RSE, l’outil de pilotage de l’entreprise

Aurélien Ollivry

Si embrasser la RSE allait de soi pour ces dirigeants, la notion demeurait opaque. Aurélien Ollivry, codirigeant de l’Agence Déclic, a accompagné plusieurs entreprises dans la structuration de leur démarche. Il observe que les dirigeants étaient « sincères, volontaires et agréablement surpris : ils ont découvert que la RSE, c’était la stratégie de l’entreprise ».

Aujourd’hui, la RSE est communément identifiée comme leur nouvelle boussole. Le chef d’entreprise repense le développement de sa société à l’aune d’un nouvel objectif : faire en sorte que ses pratiques, tout en étant économiquement viables, aient un impact positif sur la société et l’environnement. Une approche résolument pragmatique, qui se concrétise par des actions relevant d’un ou plusieurs de ces cinq piliers : l’humain, la gouvernance, l’environnement, le territoire et l’économie.

Incarner la démarche RSE

Mettre en musique cette nouvelle partition demande au dirigeant des talents comparables à ceux du chef d’orchestre : il doit impulser, emmener ses équipes, et créer un cadre qui laisse place ensuite à la créativité.

Porter les valeurs de l’entreprises

Iréna Descubes

Identifier les valeurs de l’entreprise est un prérequis car elles conditionnent son activité et sa pérennité à de nombreux niveaux : la sélection des partenaires, le recrutement des collaborateurs ou encore la transmission reprise de l’établissement. Mais concilier les valeurs avec les demandes du marché est un exercice exigeant, qui doit s’inscrire dans la stratégie globale de l’entreprise.

Pour Iréna Descubes (Rennes School of Business), « la personne à la tête de l’entreprise doit incarner le changement de démarche stratégique. Elle doit avoir le courage de dire : on se recentre sur ce que l’on fait de bien et on coupe les activités qui ne sont pas soutenables ».

Thibault Cardinal

Thibault Cardinal codirige Alain Cardinal, une société de 17 salariés spécialisée dans l’aménagement extérieur et implantée à Quessoy (22). Il a fait le choix de ne plus poser de terrasse en ipé, un bois exotique du Brésil, en raison de la déforestation amazonienne. Il propose un produit de substitution avec un impact carbone réduit et des propriétés techniques identiques. Si cette décision a conduit l’entreprise à perdre quelques marchés, rester en phase avec son ADN l’a incité à innover et lui a permis de capter d’autres clients.

Embarquer les salariés

André Kervéadou

Un tel changement de direction de l’entreprise ne peut fonctionner sans les salariés : il faut leur donner envie de vivre cette mutation. La première étape est de partager avec eux les raisons et les objectifs de cette démarche. La seconde étape est de les impliquer dans les différentes phases, tout en restant sur la base du volontariat.

Sortir d’une approche conceptuelle et s’adosser au terrain est essentiel pour donner du sens à cette démarche auprès des équipes, comme en témoigne André Kervéadou, administrateur chez Loy, une SCOP* évoluant dans l’ossature bois de 29 salariés (dont 25 associés) et localisée à Plouay (56). Il a pris le parti de « faire travailler les salariés sur des sujets qui allaient très vite devenir opérationnels, pour aller chercher des petites victoires. Tout le monde s’est piqué au jeu ! Le fait que l’on soit une SCOP est, je pense, plus facile car on a l’habitude d’échanger, d’associer les salariés ».


*Une SCOP est un modèle juridique de société où les salariés sont les associés majoritaires.

« La RSE ouvre toutes les portes du dialogue si on l’amène bien »

Jean-Marie Claudel

Structurer la démarche

Jean-Marie Claudel

La filière bâtiment présente intrinsèquement plusieurs caractéristiques « compatibles RSE » : une activité non délocalisable, qui construit et rénove chaque jour des ouvrages utiles à la société, qui culturellement transmet des savoir-faire. En plus de ces atouts « génériques », toutes les entreprises avaient déjà initié de nombreuses actions valorisables au titre de la RSE. Mais Aurélien Ollivry (Agence Déclic) souligne la nécessité « de structurer la démarche, pour ne pas regarder qu’une partie de la RSE mais bien ses cinq piliers ». A l’instar de l’accompagnement construit par la FFB et l’Agence Déclic (voir encart ci-dessous), il est primordial de définir un plan d’action.

La manière dont ce plan d’action sera déployé au sein de l’entreprise doit également être bien anticipée. Jean-Marie Claudel s’est particulièrement investi dans la structuration de la démarche RSE au sein de 4M, une société de 58 salariés spécialisée dans la menuiserie aluminium et la miroiterie située à Saint-Martin-des-Champs (29). Dès la fin de la prestation de l’Agence Déclic, il a mis en place un comité de pilotage RSE composé de 7 salariés qui se réunit tous les trois mois. En parallèle, à chaque réunion du CSE (Comité Social et Economique), un point sur les actions engagées est réalisé pour que l’ensemble des collaborateurs soit informé. Cet accompagnement « a permis le lancement d’une dynamique intéressante. Il faut maintenant transformer l’essai », affirme-t-il.

Un accompagnement personnalisé pour structurer la démarche RSE

La FFB Bretagne et l’Agence Déclic ont conçu un accompagnement sur mesure pour aider les entreprises du bâtiment bretonnes à structurer leur démarche RSE. Sur 4 demi-journées, des réunions participatives ont été organisées avec le dirigeant et un panel représentatif de salarié. Elles se sont articulées autour de deux grands temps :

  • Tout d’abord l’évaluation des « pratiques RSE » de l’entreprise sur les 5 piliers (humain, gouvernance, environnement, territoire, économie) et l’identification, en parallèle, des exigences du marché ;
  • A partir du croisement de ces deux types de données, l’élaboration d’un plan d’action avec des degrés de priorité.

32 adhérents ont bénéficié de ce dispositif, pris en charge intégralement par la DREETS et Constructys Bretagne. Pascal Cabaret, son directeur, est « heureux d’avoir contribué au lancement de ce projet sur lequel la Bretagne a été une région pilote. Une réussite car au-delà de l’accompagnement du consultant, une dynamique se poursuit ».

Adapter les actions

Emilie Feral

Le contenu des actions déployées doit être bien adapté à l’entreprise déclare Elena Mañeru, directrice de l’organisme de formation M180 : « attention au copier-coller, ce qui peut être incitatif chez l’un peut être contre-productif chez l’autre ! ». Emilie Feral, Présidente du groupe de travail RSE à la FFB nationale, est à la tête de la PME familiale ISOTEC (70 salariés) implantée à Tarascon (13). Pour tester les projets au sein de sa structure, elle s’appuie sur le lean management, « une méthode de travail qui permet d’impliquer les collaborateurs en responsabilité sur leurs tâches et de faire avancer les choses en amélioration continue ». Gilles Merrien, dirigeant de L’Habitat Sain (22) considère que les actions RSE doivent « apporter une valeur ajoutée par rapport au bon sens, avoir un impact à un niveau auquel on n’aurait pas pensé ».

Cette adaptation suppose également de prioriser les actions afin d’éviter plusieurs écueils : créer de la frustration auprès des collaborateurs ou encore se laisser dépasser par le quotidien. Définir la raison d’être de l’entreprise permet de donner un cadre à l’ensemble des projets de la structure. Yannick Lehagre, codirigeant de LB Eco Habitat, une TPE de 10 salariés spécialisée en écoconstruction chanvre et en restauration du bâti ancien située à Bédée (35), s’est livré à cet exercice : « on commence par rédiger la raison d’être pour canaliser toutes les idées et se rendre compte que derrière chaque envie, c’est du temps et de l’énergie. Son écriture simplifiera beaucoup de décisions, c’est notre cap ».

Agir pour l’épanouissement de ses salariés

L’humain est au cœur de la stratégie RSE. Intégrer, accompagner et impliquer ses salariés pour qu’ils s’épanouissent le plus possible est le premier levier de performance de l’entreprise.

Favoriser l’intégration au sein de l’entreprise

Attirer grâce à sa réputation

Plusieurs entreprises partent avec l’avantage d’avoir un coeur d’activité par nature attractif : la restauration du patrimoine, l’utilisation de matériaux biosourcés, par exemple. Susciter l’intérêt des candidats s’avère plus complexe pour les entreprises dont le métier est méconnu, car aucune formation initiale n’y est associée. A l’image d’Embell’ Façade, qui réalise de l’isolation thermique par l’extérieur. Sylvie Le Gal, administratrice de cette SCOP de 25 salariés (dont 13 associés) située à Péaule (56), indique que « la majorité des candidats vienne par le bouche à oreille car ils ont entendu des choses positives sur l’entreprise ». La réputation est aujourd’hui un véritable levier pour attirer des salariés.

Véronique Ikène

Recruter sur les valeurs

L’accueil et l’ouverture à la diversité sont des valeurs fortes au sein de Tiriault, une entreprise spécialisée en peinture et revêtement de sol de 48 salariés basée à Acigné (35). Cette sensibilité est pleinement partagée par les équipes, ce qui favorise l’intégration des nouveaux salariés et la mixité des profils. La dirigeante, Véronique Ikène, explique que « le volet social a toujours été très présent. J’ai voulu poursuivre la dynamique initiée par mon père, convaincue que cette diversité est la richesse de mon entreprise ». Cet engagement se concrétise notamment par son soutien au CAP +, une formation spécifiquement dédiée au public réfugié.

Investir dans l’apprentissage

Deux raisons principales motivent les entreprises du bâtiment qui accueillent les apprentis : l’envie de transmettre un savoir-faire et l’avenir des jeunes*. Une philosophie qu’épouse l’entreprise que codirige Sandrine Quenouillère à Guichen (35). Lorsqu’elle a repris Menuiserie Auguin en 2019, elle a souhaité développer cette modalité de formation. Afin de sécuriser le projet de l’apprenti, elle propose un stage d’observation et une immersion avec plusieurs chefs d’équipe. « Le jeune était content de me dire qu’il arrivait dans une entreprise où il n’avait pas l’impression d’être un simple numéro », déclare-t-elle. Aujourd’hui, l’établissement compte 10 salariés et 4 apprentis.

*L’apprentissage dans le secteur du bâtiment – étude de la Cellule économique de Bretagne d’octobre 2021.

Améliorer la qualité de vie au travail

Elena Mañeru (M180) définit la qualité de vie au travail comme « la perception qu’à chaque salarié de son travail et l’opportunité de pouvoir s’exprimer sur celui-ci ». Premier levier de fidélisation*, la qualité de vie au travail s’exprime en particulier sur trois aspects :

Elena Mañeru
  • Le second est l’aménagement du temps de travail. En concertation avec leurs salariés, certaines entreprises ont trouvé intéressant d’opter pour la semaine de 4 jours ou de 4 jours et demi. Elles considèrent qu’il s’agit d’un véritable facteur de fidélisation et observent également une meilleure forme physique des collaborateurs.
  • Troisième pan, l’environnement de travail. Pour les dirigeants, c’est « une évidence » d’impliquer les équipes dans le choix des outils et des machines, l’agencement des camions et l’aménagement des ateliers. La formation est également un moyen d’améliorer les conditions de travail, à l’image du dispositif « Ménage-toi ! » proposé par l’organisme M180 et auquel a recouru Véronique Ikène (entreprise Tiriault). L’objectif est que les salariés acquièrent un rituel de réveil musculaire ainsi que des pratiques pour améliorer leur hygiène de vie.
  • Le premier est l’ambiance au travail, avec l’importance d’initier des moments de convivialité et de créer des espaces de dialogue. Iréna Descubes (Rennes School of Business) développe : « il faut entendre les signaux faibles ou forts des collaborateurs et leur permettre de verbaliser le besoin en accompagnement ». Cela se traduit à la fois par des échanges informels, « baromètre quotidien » de l’état d’esprit du salarié, ainsi que des entretiens formels, pour connaître sa projection en interne comme en externe.

*La fidélisation des salariés du secteur du bâtiment en Bretagne – étude de la Cellule économique de Bretagne de janvier 2023.

Impliquer les collaborateurs dans le développement de l’entreprise

Gaël Hardy

Lorsque Gaël Hardy a repris Crézé, entreprise de métallerie située à Saint-Jacques-de-la-Lande qui compte aujourd’hui 25 salariés, il a pris le parti de s’inscrire dans une dynamique de complémentarité avec ses équipes : « je ne me suis pas mis dans une posture de leur apprendre leur métier. J’ai apporté les éléments qui leur permettent de l’exercer dans des conditions optimales ».

Mohamed Sylla, Christophe Gourlay et Renan Gallardon

Tous les dirigeants ont également la volonté d’impliquer les salariés, à la fois dans ce qui relève directement de leurs missions mais aussi sur des projets plus larges. Pour l’organisation des 35 ans de Sanit Confort, Dominique Le Saint a ainsi laissé ses équipes réfléchir avec l’agence de communication. « Volontairement je n’étais pas présent. J’ai dit « lâchez-vous ! Et puis on verra ». C’est là que peuvent émerger les meilleures idées », assure-t-il.

Associer les collaborateurs au développement de l’entreprise a de nombreuses vertus, notamment celle de créer un sentiment d’appartenance, mais aussi « qu’ils trouvent un sens au-delà du salaire », affirme Renan Gallardon (entreprise DEM 7).

« Il faut être capable de lâcher son orgueil de chef d’entreprise »

Thibault Cardinal

L’entreprise Arc’Had primée à l’événement Social Change

L’événement Social Change, qui réunit dirigeants et experts pour débattre autour de la RSE, a tenu sa 3ème édition à Rennes le 3 octobre 2023. Cette année, il avait pour thème central « pour un meilleur partage des valeurs ». Jérémy Carpentier, dirigeant d’Arc’ Had, entreprise de 10 salariés spécialisée dans la restauration du patrimoine à Saint- Nicolas-du-Pélem (22), et membre de la Communauté RSE de la FFB a été primé ! Il déclare : « la RSE, c’est une démarche qu’on avait naturellement : on fait du partage de management, on est transparent sur les salaires y compris le mien. Il me semble naturel de sortir des clichés un peu trop « capitalistes » et d’être complètement ouvert. C’est grâce aux collaborateurs que l’entreprise est ce qu’elle est ».

Agir avec son écosystème

L’écosystème de l’entreprise est l’environnement dans lequel elle évolue. Interagir avec ses partenaires et son territoire, dans une dynamique vertueuse, est le deuxième levier de performance de l’entreprise.

S’inscrire dans des relations commerciales vertueuses

Stéphanie Carriou, Gilles Merrien et Jérémy Hamon

Les entreprises s’attachent à travailler dans un climat vertueux, aussi bien avec leurs partenaires que leurs clients. Lorsqu’il a repris L’Habitat Sain, une TPE de 10 salariés spécialisée dans la construction-extension bois implantée à Paimpol (22), Gilles Merrien a mis en place progressivement des outils pour optimiser l’organisation du travail, dans une démarche d’amélioration continue. Par exemple, en début de chantier, une note est remise au client pour le prévenir de toutes les situations susceptibles de contrarier son bon déroulement. Pour Jérémy Hamon, responsable des chefs d’équipe, ces outils ont eu un double impact positif : l’amélioration de la qualité des prestations ainsi que du confort au travail des salariés.

Se diriger vers la labellisation peut être une étape supplémentaire pour certaines entreprises, afin d’affirmer ce positionnement dans leurs relations commerciales. André Kervéadou (Loy) remarque que « les particuliers et les partenaires sont de plus en plus en demande d’informations sur la RSE ». Il souhaite s’engager vers la certification « pour montrer qu’on y est ! Et ce n’est pas juste un tampon : derrière, il y a un engagement et des actions ».

Les partenaires bancaires commencent également à se positionner pour soutenir les entreprises dans cette nouvelle dynamique. Nelly Piotr annonce « la volonté de la BTP Banque de se différencier commercialement en proposant un accompagnement global à ses clients ». Cette offre de service, en cours de développement, s’articule autour de trois volets : l’acculturation de ses chargés d’affaires ; la construction de nouveaux produits ; la redynamisation des partenariats.

Redonner à son territoire

Jean Coisnon

Selon Jean Coisnon, Président de Produit en Bretagne, les dirigeants doivent se poser une seule question : « je vis sur un territoire, il m’apporte des choses à titre personnel. N’est-ce pas juste logique de le réimpacter positivement ? » Le secteur du bâtiment est intrinsèquement un acteur ancré économiquement sur son territoire. Jean Coisnon propose de regarder plus loin, ce qui est annexe à la prestation de l’entreprise (fournitures de bureau, vêtements des salariés sur les chantiers) et d’adopter « un nouveau réflexe : « est ce qu’il y a la compétence et un prix compétitif près de chez moi ? » ».

Sylvie Le Gal

Au-delà du volet économique, de nombreux champs d’investigation se présentent à l’entreprise pour agir en faveur du développement de son territoire : le sport, la culture, le social, l’environnement, la solidarité… Cet investissement peut se traduire par du sponsoring mais aussi par la mise à disposition de l’entreprise, à l’instar de la société de Sylvie Le Gal (Embell’ Façade) qui monte régulièrement des échafaudages pour les manifestations locales.

Il est également à corréler avec les valeurs portées par l’entreprises. Les actions engagées par Gaël Hardy (Crézé) en sont une belle illustration. Il préside le Club des Mécènes du Patrimoine, une association qui oeuvre pour la sauvegarde du patrimoine breton, et collabore également avec des artistes rennais pour « développer des créations en art contemporain et art breton. Cela permet de challenger les savoir–faire traditionnels sur des applications inhabituelles ».

Diminuer son impact écologique

Aurélien Ollivry (Agence Déclic) a constaté que les entreprises du bâtiment avaient « une approche différente sur l’environnement par rapport à d’autres filières car elles utilisent directement la matière. Elles sont également poussées par la règlementation ». Cette sensibilité accrue se traduit par un activisme plus prononcé sur la valorisation des déchets, la diminution de l’empreinte carbone dans les déplacements et la recherche d’innovation sur l’utilisation des ressources. Les outils de sensibilisation et d’éclairage sont également de plus en plus plébiscités, à l’instar des fresques du climat et du bilan carbone® (voir l’encart ci-dessous).

Un accompagnement pour réaliser son bilan carbone®

Le bilan carbone® est un outil de diagnostic qui permet de mesurer et de suivre la quantité de gaz à effet de serre qu’une entité produit du fait de son activité.

Dans le prolongement de la réunion de la Communauté RSE du 6 juillet 2023, la FFB Bretagne propose un dispositif d’accompagnement à tous ses adhérents, conçu en lien avec le cabinet O2M, et s’appuyant sur le « Diag Décarbon’action » de BPI France. Réalisé sur une durée de 12 jours, il inclura des journées collectives de sensibilisation et de partage ainsi que la mise à disposition pendant 2 ans d’un outil numérique pour suivre son bilan carbone®, avec une formation pour sa prise en main. Ce dispositif offre ainsi une base solide pour lancer une stratégie de réduction des impacts environnementaux. Il bénéficie qui plus est d’un fort soutien financier de la part de BPI France, limitant le reste à charge de l’entreprise.

Pour les adhérents intéressés, n’hésitez pas à vous rapprocher de votre fédération départementale !

« Face au bouleversement climatique, l’engagement des entreprises du bâtiment est une évidence »

Emilie Feral

Yannick Lehagre

Ce volontarisme se heurte cependant à des freins. D’abord l’absence d’offre alternative ou leur manque de maturité, par exemple sur les fourgons électriques, les aires de lavage des engins de chantier ou encore la provenance des matériaux. Autre blocage : la rigidité de la règlementation, une problématique qui se pose avec acuité pour le déploiement du réemploi et des matériaux bio-sourcés. Yannick Lehagre (LB Eco Habitat) se bat pour faire évoluer la réglementation qui, à ce jour, ne reconnaît pas toutes les propriétés thermiques du chaux chanvre alors qu’elles sont scientifiquement avérées. A cette inertie s’ajoutent parfois d’autres difficultés, telles que l’absence d’agilité des partenaires, le surcoût économique et la méfiance des clients.

La mobilisation de toutes les parties prenantes apparaît donc comme LA condition pour que les entreprises puissent, de façon effective, diminuer leur impact environnemental. C’est peut-être aujourd’hui une faiblesse du secteur, car l’interdépendance est omniprésente, mais c’est aussi une force puisqu’elle engage les synergies et connaissances de tous les acteurs. Comme l’exprime Yannick Lehagre, « il peut y avoir des phases de découragement mais heureusement on a notre boussole : on sait pourquoi on fait ça et on est convaincu que la RSE est la solution » !

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