Loïc Hénaff est à la tête du groupe agro-alimentaire éponyme qui emploie environ 260 salariés sur le territoire breton. Après avoir présidé durant 6 ans le réseau « Produit en Bretagne », il a été élu en 2021 au Conseil régional. Il s’est vu confier une délégation à la relocalisation, avec pour objectif d’enclencher une dynamique bretonne autour de ce sujet. Le 1er février dernier, Loïc Hénaff est venu partager cette démarche avec les chefs d’entreprise de la Communauté RSE de la FFB Bretagne.
Un terrain breton propice
Dans le cadre de ses travaux préparatoires, le Conseil régional s’est appuyé sur l’expertise d’Anaïs Voy-Gillis, chercheuse associée à l’Université de Poitiers.
Premier constat, la Bretagne dispose de plusieurs atouts ! On peut, notamment, relever le fort attachement des bretons à la marque « Bretagne » (nous sommes la première région de France en termes d’achats locaux par les consommateurs). En outre, la volonté politique affirmée de mettre la relocalisation au centre de l’action publique peut entraîner un mouvement collectif, d’autant que la culture de la coopération est particulièrement ancrée sur ce territoire.
Les conditions s’avèrent donc favorables pour lancer une dynamique et embarquer le milieu économique, en lien étroit avec l’agence BDI (Bretagne Développement Innovation). Pour Loïc Hénaff, « la relocalisation est un outil permettant de répondre aux grands enjeux liés à la transition car elle concilie la performance économique tout en préservant le modèle social et l’environnement ».
« La relocalisation concilie la performance économique tout en préservant le modèle social et l’environnement »
Loïc Hénaff
Le rôle clé des acteurs économiques
Chaque organisation a une empreinte socio-économique et environnementale, qui se décompose en trois impacts.
Le premier est le plus évident et correspond à la contribution directe de l’entreprise en termes de valeur et d’emplois. Mais la portée des actions des forces vives du territoire va bien au-delà. Il convient de s’intéresser également :
- aux effets indirects (impact des achats de l’organisation sur l’ensemble de sa chaîne de fournisseurs)
- et aux effets induits (impact de la consommation des ménages et des impôts et taxes).
En regardant de plus près, l’impact de l’activité des entreprises se révèle très large. Leur mobilisation dans cette démarche de relocalisation est donc essentielle.
La stratégie d’achat au cœur de la relocalisation
L’axe prioritaire de la feuille de route du Conseil régional de Bretagne est la sensibilisation des acteurs économiques. Loïc Hénaff invite « chaque dirigeant à se réinterroger sur sa stratégie d’achats ». C’est-à-dire d’où proviennent-ils, existe-t-il des alternatives locales, quel est le coût/bénéfice d’un changement de pratique. La démarche de relocalisation des achats présente de nombreux intérêts pour les entreprises : gagner en flexibilité et réactivité ; sécuriser la chaîne d’approvisionnement ; réduire l’empreinte carbone ; dynamiser l’écosystème local entre autres.
Différents outils d’accompagnement sont en cours de développement ainsi qu’un site internet dédié au projet (www.relocalisons.bzh). La Région s’astreint également de montrer l’exemple et s’est fixée l’objectif de réaliser 75 % de ses achats publics sur le territoire breton (les quatre départements ainsi que la Loire-Atlantique).
L’impact de la relocalisation des achats des entreprises bretonnes
L’étude préfiguratrice a démontré que 10% des achats des entreprises bretonnes étaient relocalisables (3 % en Bretagne et 7 % en France). Une telle initiative aurait un fort impact socio-économique et environnemental :
Deux autres axes de travail ont, par ailleurs, été identifiés. Il s’agit :
- d’une part de favoriser la création de nouvelles relations entre les acheteurs et les fournisseurs, afin de s’engager dans des chaînes d’approvisionnement vertueuses ;
- D’autre part d’identifier et d’accompagner la relocalisation d’activités.
Le bâtiment et la relocalisation
Un secteur pleinement concerné
Le secteur du bâtiment est profondément ancré dans l’ensemble des territoires, il porte une responsabilité forte dans ses relations contractuelles avec ses clients, ses fournisseurs en contribuant à produire de la valeur et des emplois au niveau local.
Le poids des achats est important, surtout après la crise du COVID et celle de l’envolée des matières premières consécutive à la guerre en Ukraine. Les matériaux de construction sont indispensables à la réalisation d’ouvrages et leur acheminement pose aussi des questions de logistique, dans la mesure où l’activité est essentiellement à l’échelle du chantier, donc extrêmement atomisée. Les achats représentent, en conséquence, une donnée essentielle dans l’économie de la construction et encore plus en période de tensions. En parallèle, le secteur doit trouver des solutions pour se décarboner.
C’est pourquoi le sujet de la relocalisation des achats intéresse le bâtiment. De plus, la dynamique collective lancée par la Région avec l’ensemble des secteurs d’activité est une opportunité pour mutualiser les travaux et proposer des outils communs de sensibilisation ainsi que d’accompagnement des entreprises.
« Le secteur porte une responsabilité forte dans ses relations contractuelles »
Un engagement complémentaire à la RSE
L’implication de la FFB Bretagne va s’articuler en plusieurs étapes :
- Sensibiliser les entreprises à la relocalisation des achats ;
- Créer un groupe / une communauté d’entreprises motivées pour expérimenter ;
- Interagir avec les acteurs de la chaîne de la construction, notamment les réseaux de négociants locaux avec lesquels les entreprises ont une relation de proximité.
Cet engagement s’inscrit en complémentarité de la démarche RSE portée par la FFB. À terme, l’objectif est d’améliorer la rentabilité des entreprises, de générer de la valeur ajoutée et des emplois, ainsi que de limiter l’empreinte environnementale. L’ensemble de ces valorisations sont, par ailleurs, pleinement en phase avec la stratégie de décarbonation dans laquelle le secteur est déjà largement engagé. L’ambition est donc de pouvoir accompagner les entreprises dans la définition et la mise en œuvre d’une politique d’achats locaux, en lien avec les fournisseurs et négociants de matériaux. C’est un travail de long terme qui comme l’indique Loïc Hénaff, répond aux grands enjeux de transition.