C’est à un exercice exceptionnel que s’est livrée l’équipe de la Manufacture des Forges, une entreprise de ferronnerie traditionnelle implantée à Plaine-Haute dans les Côtes-d’Armor : restituer, à partir d’un simple cliché en noir et blanc, un ensemble de deux garde-corps de style Art nouveau à motifs de plumes de paon.
Ces ouvrages sont destinés à garnir un escalier dans un hôtel particulier construit à la fin du xixe siècle à proximité de la tour Eiffel, en remplacement des originaux disparus lors d’une réhabilitation dans les années 1960.
« Le projet du commanditaire consistait à redonner au bâtiment son aspect architectural initial en confiant à des artisans d’art la réalisation notamment des vitraux, de la bibliothèque et des garde-corps, explique Lionel Moretto, gérant de l’entreprise en activité depuis plus de trente-cinq ans.
Pour être fidèles à cette vision, nous avons travaillé avec des techniques identiques à celles des forgerons de l’époque. » Les artisans ferronniers ont tout d’abord scruté jusqu’au moindre détail le fameux cliché et comparé les ouvrages disparus avec toute la littérature existant sur le sujet, dans les livres et sur Internet, une longue phase de recherche préalable et de réalisation de prototypes de plus de 250 heures, qui a permis de comprendre leurs principes de conception.
Au fur et à mesure, de nombreux croquis ont été réalisés, suivis d’une importante phase de prototypage, pour définir le dimensionnement de chaque pièce et la section de chaque tige, afin d’obtenir un ensemble cohérent sur le plan technique et harmonieux au plan esthétique. La fabrication des garde-corps a été réalisée en forge traditionnelle, savoir-faire qui est pratiqué en restauration du patrimoine.
Du découpage et ciselage des formes délicates des plumes de paon jusqu’aux assemblages, estampages, épaissis, réductions, façonnages, toutes ces opérations ont été réalisées par une équipe de quatre ferronniers aguerris aux techniques de la fin du xixe siècle et ont demandé plus de 650 heures de travail pour obtenir les volutes par lesquelles l’Art nouveau parvient à exprimer les courbes aléatoires du règne végétal ou animal.
Pour donner l’étincelle de la vie à cette magnifique composition, une étude de colorimétrie, réalisée sur deux éléments conservés sur place, a permis de déterminer les couleurs d’origine, qui ont été reproduites sous forme de patines. Après assemblage de toutes les parties forgées et patinées, les deux ouvrages d’art ont retrouvé leur emplacement « d’origine », comme s’ils ne l’avaient jamais quitté.