Assises régionales du bâtiment - 6ème édition . 11 mai 2023

La transformation du secteur face aux enjeux climatiques

Tous les deux ans, la FFB Bretagne organise les Assises régionales du Bâtiment, un événement qui réunit plus de 300 acteurs de l’acte de construire. Lieu privilégié de rencontres et d’échanges, cette manifestation permet de « prendre le pouls » du secteur du bâtiment et invite à se projeter sur les enjeux majeurs qui le traversent. Après une édition 2021 consacrée à la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), plein phare cette année sur la transition climatique !

Des initiatives inspirantes à démultiplier

Réemploi, économie circulaire, utilisation de ressources locales… Guillaume Danjou, Président de la Commission communication de la FFB Bretagne, est allé à la rencontre de plusieurs acteurs bretons, préfigurateurs de l’adaptation du secteur face au réchauffement climatique.

Merci à CCE, Tri’n’collect, Ostrea Design et au cabinet Quinze Architecture pour leurs témoignages éclairants !

Que recouvre exactement cette transition et quel est son impact ? Comment les entreprises du bâtiment et l’ensemble de ses partenaires s’adaptent à ces mutations ? Quid des acteurs institutionnels et des citoyen(ne)s, à l’épicentre de ce phénomène ? 

Deux temps forts ont jalonné cette journée du 11 mai 2023. La première séquence s’est déroulée en mode «plénière» sous un format qui se voulait innovant et rythmé : un plateau radiophonique ! Tout au long de la matinée, les intervenants se sont ainsi succédés au micro de « radio FFB Bretagne » : experts, journalistes, hommes politiques, chefs d’entreprise… Des profils éclectiques, avec des approches complémentaires sur la transformation du secteur face aux enjeux climatiques. Aux manettes de ces échanges, l’animateur était entouré d’une équipe de chroniqueurs, sans oublier le public qui a eu l’opportunité de réagir et d’interroger les invités ! Après cette plénière riche en réflexions, place au concret avec plusieurs ateliers dispensés l’après-midi.

Soutenue par plusieurs partenaires (PRO BTP, SMA BTP et BTP Banque), cette 6ème édition des Assises avait pour ambition d’être conviviale, prospective et dynamique ! Dans ce cahier spécial, nous vous proposons de vous replonger dans cette journée.

Le changement climatique : les grands enjeux

L’émergence de nouveaux modèles économiques

La transition environnementale est un changement de paradigme pour la filière Bâtiment. Comment s’adapte l’ensemble des acteurs ? Quel est l’impact à l’échelle de l’entreprise ?

Une filière en pleine mutation

IMPULSER DES PROGRAMMES IMMOBILIERS ÉCOLOGIQUEMENT VERTUEUX

La nouvelle trajectoire bas carbone bouleverse le cadre traditionnel du marché immobilier, comme en témoigne le groupe Giboire qui a repensé la conception de ses programmes autour de quatre volets :

L’implantation des projets, en privilégiant des zones déjà urbanisées et la réhabilitation;

La forme des projets, en conciliant empreinte écologique et geste architectural;

Le choix des matériaux, en favorisant ceux produits à proximité;

Le choix des technologies, avec notamment le recours à des systèmes « low tech ».

Au-delà de la dimension constructive, la réduction de l’impact des usages du bâtiment est un pan stratégique de la politique du groupe, développé via son activité de syndic. Pour Olivier Biancarelli, directeur général des activités promotions immobilières de Giboire : « ce que l’on cherche à changer ce sont les usages et les comportements individuels ».

METTRE LE VIRTUEL AU SERVICE DU RÉEL

Le numérique investit progressivement le secteur du bâtiment. Le groupe Dassault Systèmes a imaginé une approche basée sur le jumeau numérique. Utilisé plus particulièrement sur les projets d’aménagement urbain, ce process met tous les acteurs autour de la table et vise à modéliser, puis simuler le projet de façon virtuelle. Une solution qui permet ainsi d’optimiser la prise de décision et de favoriser l’acceptabilité des projets. Elle présente également l’intérêt d’être facilement réutilisable sur les chantiers.

Se dirige-t-on dès lors vers une standardisation du secteur ? Rémi Dornier, vice-Président architecture, ingénierie et construction chez Dassault Systèmes, nuance : « nous sommes bien sur une standardisation des méthodes de construction mais pas de l’ouvrage. La production reste personnalisée ».

S’INSCRIRE DANS UNE ÉCONOMIE DE L’USAGE

L’économie de l’usage ou de la fonctionnalité se développe de plus en plus comme modèle alternatif à l’économie dite « de propriété », en lien avec la sobriété énergétique. Le principe : vendre l’usage d’un bien ou d’un service plutôt que le bien ou le service en lui-même.

C’est cette démarche qu’a choisi d’embrasser IGEO, une PME rennaise de 28 salariés spécialisée en génie climatique. Dominique Duda, associé et directeur général d’IGEO, précise sa stratégie, à savoir « repenser toute la chaîne de distribution pour consommer mieux ». Dans cette optique, l’entreprise a déployé une prestation basée sur le service et propose une offre de maintenance prédictive ainsi qu’un contrat de performance énergétique. Elle s’engage ainsi à accompagner ses clients tout au long de l’exploitation des équipements, afin qu’ils optimisent leur consommation énergétique et diminuent leur empreinte carbone.

Ce que je trouve extraordinaire, c’est la capacité des filières économiques à se transformer »

François-Xavier Lefranc,
Président du directoire du groupe Ouest-France
MASSIFIER L’UTILISATION DES MATÉRIAUX BIOSOURCÉS

Alors que l’emploi des éco-matériaux de- meure encore confidentiel, LB Eco Habitat fait le pari de déployer cette solution à grande échelle. Après toute une série d’expérimentation, cette entreprise de 12 salariés a mis au point il y a 20 ans le béton de chanvre, un isolant à base d’un mélange de chanvre et de chaux qui stocke le carbone. Il présente l’avantage de s’intégrer dans le bâti ancien mais d’être aussi exploitable dans la construction neuve : plusieurs bâtiment tertiaires passifs ont ainsi été réalisés via ce procédé.

Prochaine étape pour l’entreprise : créer un atelier de préfabrication afin de développer la production de ce matériau. Yannick Lehagre, co-dirigeant de l’entreprise LB Eco Habitat « est convaincu de ses performances, de ses bienfaits pour la construction. Mais ça ne passera pas sans la massification ». Reste par ailleurs à lever un certain nombre de freins règlementaires.


Yannick Lehagre, co-dirigeant de LB Eco Habitat

Quelles nouvelles orientations pour la filière ?


Clara Benedini, consultante senior chez Carbone 4

Clara Benedini, consultante senior au sein du Cabinet Carbone 4, a détaillé la stratégie nationale zéro carbone appliquée au secteur du bâtiment. Celle-ci est fondée sur quatre axes :

  • Massifier la rénovation du parc bâti et limiter les constructions neuves;
  • Maîtriser les émissions de la construction;
  • Décarboner le mix énergétique;
  • Accompagner les entreprises et les ménages vers des pratiques de sobriété.

Des actions concrètes au sein des entreprises

Diminuer l’impact de l’entreprise sur le climat :  le bilan carbone

Le bilan carbone est un outil de diagnostic qui permet de comprendre et d’analyser l’activité de l’entreprise en matière d’émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre. 

Pour démarrer sa transition en 2007, Bouygues Construction a réalisé ce diagnostic. Frédéric Gal, directeur de projet de modernisation des métiers chez Bouygues Construction, considère que le bilan carbone est un préalable indispensable : « il faut mesurer, comprendre ses impacts pour pouvoir agir de manière précise et économiquement viable ».
À partir de là, le groupe a défini un plan d’actions : intégration du bois à 30% dans ses projets, établissement d’une trajectoire chiffrée de diminution des émissions de gaz à effet de serre.  Avec un défi majeur : réussir à concilier cette ambition avec les impératifs économiques de l’entreprise.

Repenser globalement le fonctionnement de l’entreprise

Le changement climatique amène plus globalement l’entreprise à s’interroger sur son modèle économique. À l’image de La Fenêtrière, PME francilienne de menuiserie éco-responsable, pionnière dans l’adaptation aux enjeux climatiques. Après avoir réalisé son bilan carbone, cette entreprise de 15 salariés a pris conscience de la nécessité de s’emparer pleinement de ce sujet. Elle a initié de nombreuses actions en ce sens : production made in France, politique de recyclage des déchets, circuit court entre autres. Prochain objectif : intégrer les enjeux liés à la biodiversité dans la stratégie de l’entreprise.

Pour Catherine GUERNIOU, dirigeante de La Fenêtrière, « ce qui est important pour mon équipe et moi-même, c’est de transformer notre économie ». La transition climatique a, en effet, été la clé d’entrée vers un engagement plus large de la dirigeante : la RSE. Soit repenser de façon complète le fonctionnement de sa structure, à l’aune de son impact environnemental et territorial, sa politique RH, sa gouvernance et son économie. 

La démarche RSE a également été poursuivie par l’entreprise LE PRIOL Couverture, une structure de 21 salariés située en Centre Bretagne. Rétive initialement sur cette notion, perçue comme « une énième contrainte », Marie-Laure Le Priol, codirigeante de l’entreprise, considère aujourd’hui cette approche comme un vrai « booster ».

Face au manque d’attractivité à la fois du territoire et du métier de couvreur, aux difficultés de recrutement et de développement économique qui en découlent, elle a dû s’interroger sur la pérennité de sa société. La RSE l’a amenée à reconsidérer son modèle de fonctionnement et à s’inscrire dans une nouvelle dynamique : miser sur l’ancrage territorial en travaillant avec les acteurs locaux pour créer des formations, adopter un management participatif pour mieux intégrer et fidéliser les salariés notamment.

Dominique Duda, directeur général d’IGEO et Marie-Laure Le Priol, codirigeante de l’entreprise LE PRIOL Couverture et Présidente de la FFB Morbihan
Catherine Guerniou, dirigeante de La Fenêtrière et conseillère au CESE

Accompagner cette transition

L’ACCOMPAGNEMENT DES POUVOIRS PUBLICS

Si les initiatives en faveur de la transition écologique prospèrent, Catherine Guerniou déplore l’absence de planification, de cadre pour guider l’action des entreprises. Or, les politiques publiques sont censées être le fer de lance de cette dynamique.

Le Président du Conseil Régional de Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, appelle de ses vœux plusieurs mesures nationales : réviser la fiscalité sur le carbone en instaurant une incitation indexée sur cette économie en devenir ; décentraliser les règles pour permettre davantage de réactivité dans le soutien aux projets notamment. À l’échelle de la Bretagne, le Conseil régional soutient l’évolution du secteur du bâtiment en actionnant trois leviers

  • La stratégie d’achat public (110 millions d’euros par an dans la rénovation des lycées);
  • L’orientation et la formation;
  • L’économie, en mettant l’accent sur l’économie circulaire.
L’ACCOMPAGNEMENT DES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES

Pour le Président de la FFB Bretagne, Stéphane Le Teuff, les organisations professionnelles doivent être moteur dans la transition climatique, à la fois dans son appropriation et dans son accélération. Qualité de l’air, matériaux bio-sourcés, performance énergétique ou encore économie circulaire … Sur tous ces sujets, l’action de la FFB est multiple :

  • Elle conseille au quotidien ses adhérents sur les questions environnementales et les règlementations associées;
  • Elle accompagne et promeut les projets innovants engagés par les entreprises du bâtiment;
  • Au-delà de ses propres initiatives, à l’image de ces Assises, la FFB vient également en soutien aux projets, expérimentations lancés par
    ses partenaires. 
Loïg Chesnais-Girard, Président du Conseil Régional de Bretagne
Stéphane Le Teuff, Président de la FFB Bretagne

Garantir son acceptabilité

LA NÉCESSITÉ D’EMBARQUER L’ENSEMBLE DES CITOYENS

La prise de conscience par les citoyens du réchauffement climatique est indéniable : Clara Benedini annonce « une stagnation à 9 % des climatosceptiques depuis plusieurs années ». Son acceptabilité reste néanmoins fragile. François-Xavier Lefranc, Président du directoire du groupe Ouest-France, considère que la question du pouvoir d’achat percute inéluctablement celle du changement climatique. Un écueil à éviter absolument : laisser des citoyens de côté et stigmatiser des comportements, des modes de vie. Le changement climatique creusant les inégalités, il est impératif de construire un volet social important pour relever le défi de la transition.

François-Xavier LEFRANC met également en avant la fonction de catalyseur des journalistes : « ils ont un rôle à jouer dans la société, entre ceux qui attendent des solutions et ceux qui ont peut-être les solutions ». Ouest-France a ainsi pris le parti dans sa ligne éditoriale de croiser les questions économiques et environnementales. Il s’agit d’ apporter une information la plus éclairée et complète possible à ses lecteurs et lectrices, d’exposer à la fois les problématiques et les solutions.

Olivier Biancarelli, directeur des activités promotions immobilières du groupe Giboire
François-Xavier Lefranc, Président du directoire du groupe Ouest-France

Il ne faut pas disloquer notre société et changer notre expérience Bretagne. Notre ennemi c’est la morosité. »

Loïg Chesnais-Girard,
Président du Conseil Régional de Bretagne

UN CHANGEMENT DES COMPORTEMENTS INDIVIDUELS EN COURS

Cette préoccupation du pouvoir d’achat se traduit dans le comportement individuel des français vis-à-vis du logement. Olivier Biancarelli constate que les exigences environnementales ont été intégrées dans les programmes tertiaires mais restent timorées dans les projets des particuliers. À l’appui de cette remarque, un sondage IPSOS : si 75 % des sondés souhaitent un habitat respectueux de l’environnement, seulement 59 % des propriétaires sont prêts à réaliser des travaux de rénovation énergétique. La localisation, le prix puis la superficie restent, par ailleurs, les trois premiers critères qui guident le choix du logement, loin devant l’écologie.

Néanmoins, on sent poindre une évolution : 50 % des 18-34 ans sont prêts à payer un logement plus cher si celui-ci est vertueux écologiquement.

LE COLLECTIF, UNE CONDITION SINE QUA NON POUR RELEVER LE DÉFI DE LA TRANSITION CLIMATIQUE

Pour Stéphane Le Teuff, « on peut se sentir démunis face à l’ampleur des changements. Il est donc très important qu’il y ait un esprit collectif ». D’autant que le défi de la transition environnementale dans le secteur du bâtiment vise un panel d’acteurs extrêmement large, public comme privé. La dynamique du collectif doit irriguer tous les niveaux :

L’entreprise. Impliquer les membres de l’équipe dans ces changements, en adoptant un management davantage participatif, en les associant plus étroitement aux décisions, crée les conditions pour que l’entreprise réussisse à s’adapter.

Loïg Chesnais-Girard, Président du Conseil Régional de Bretagne

La filière. Il est nécessaire de structurer l’action de l’ensemble des parties prenantes de l’acte de construire.

Le territoire. Comme l’a indiqué Loïg Chesnais-Girard, la Bretagne dispose d’un atout majeur : sa capacité à se rassembler au service d’un objectif commun.

Sur ces trois volets, ces Assises sont la preuve de la mobilisation et du volontarisme des acteurs. C’est donc sur un souffle optimiste et enthousiasmant que cette plénière a été conclue par Stéphane Le Teuff : « tous les acteurs sont prêts à avancer dans le bon sens et à relever le défi. Le monde change et on est sur la bonne voie ».

Le Bâtiment, acteur engagé !

Pour aller plus loin : un après-midi en mode atelier

L’après-midi, les participants ont pu prendre part à trois ateliers thématiques et ainsi approfondir certains sujets évoqués lors des débats du matin : 

  • Visite du chantier de la tour CPAM : cette tour de 12 étages au centre de Vannes est en cours de réhabilitation et sera transformée en logement. Un projet architectural de très grande qualité, s’inscrivant dans les enjeux liés à la transition environnementale. Une visite du site a été organisée par Giboire et CIMEO, avec la participation des différents acteurs du projet.
  • Conférence sur le Zéro Artificialisation Nette (ZAN) : cette règlementation vise à diminuer l’artificialisation des terrains afin de préserver la biodiversité. Son application soulève néanmoins des inquiétudes sur le développement des territoires et l’accès au logement. Jean-François Rouhaud, avocat en droit public et droit immobilier, a présenté les grands enjeux liés au ZAN.
  • Fresque du climat : animé par Batylab, cet atelier permet sous un format ludique et pédagogique de comprendre le changement climatique. Il se décompose en trois exercices : d’abord la construction de la fresque en reliant les différentes images entre elles selon les liens de cause à effet, puis la décoration de la fresque et enfin le débriefing entre les participants. 

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