Maxence LAZE fait le pari d'embaucher des seniors

L’histoire de Maxence LAZE … a fait le tour des médias.  À tout juste 21 ans, il décide de racheter une entreprise de peinture pour embaucher sa mère, en rémission d’un cancer et qui ne trouvait pas de travail. À partir de là, il a pris le parti de recruter en priorité des personnes seniors et en situation de handicap, ce qui implique une adaptation complète du mode de fonctionnement de l’entreprise.
Un pari risqué mais qui s’avère gagnant pour l’entreprise By Laze Décoration !

Entretien avec ce jeune entrepreneur.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

« Je m’appelle Maxence LAZE, j’ai maintenant 23 ans et je suis chef d’entreprise. J’ai passé un Bac Pro étude et économie de la construction avec, au départ, l’idée de m’orienter vers la maîtrise d’œuvre. Mais après l’obtention de mon diplôme, ma maman, qui dirigeait une entreprise de peinture à l’époque, est tombée gravement malade et a dû cesser son activité. En phase de rémission, elle a multiplié les candidatures mais n’a essuyé que des refus. On a alors décidé de racheter l’entreprise Euzenat Peinture située à Laval. Cela fait deux ans maintenant.

Comment s’est passé le rachat de l’entreprise ?

Compliqué ! Ma maman ne pouvait pas faire de crédit en raison de sa maladie et la banque m’a également refusé cet emprunt. Heureusement, nous avons été accompagnés par des associations, notamment Initiative France, qui nous ont garanti le prêt et que nous avons pu contracté à hauteur de 70 %. Sans ce soutien, notre projet n’aurait jamais vu le jour.

Quand vous avez racheté l’entreprise, vous n’étiez que tous les deux ? 

Oui. Et on était parti pour rester que tous les deux d’ailleurs !

Comment vous êtes-vous étoffé ?

Les clients considéraient que notre travail était propre et de qualité. Grâce au bouche-à-oreille, nous avons reçu de nombreuses propositions ! À ce moment-là, nous nous sommes retrouvés face à un dilemme : soit refuser des chantiers et rester sur la configuration initiale de l’entreprise, soit embaucher.  On a choisi la 2ème option ! Puis s’est posée la question du « type de profil » que l’on souhaitait recruter. On s’est dit : « puisqu’on a racheté cette entreprise à cause d’une maladie, on va rester dans cette idée-là ». Et du coup, on a fait « une recherche à l’envers », en ciblant les demandeurs d’emploi dont personne ne voulait. On a tenté et l’entreprise a grandi, elle tourne aujourd’hui plutôt bien ! 

Pouvez-vous nous parler de vos salariés ?

Au sein de l’entreprise, nous sommes cinq, dont trois salariés dits « seniors » qui étaient depuis longtemps en recherche d’emploi. Leurs candidatures étaient systématiquement refusées parce qu’ils étaient trop âgés ou porteurs d’un handicap. À commencer par ma maman, aujourd’hui âgée de 49 ans, qui a eu un cancer en 2017. Actuellement, elle est en rémission et toujours obligée de faire des traitements une fois par mois.  Hélène, la première salariée que l’on a embauchée, a 59 ans et d’importants soucis de dos, avec l’interdiction de faire certaines tâches. Pascal, 59 ans, a des problèmes de genoux. Mes salariés étant quasiment tous reconnus RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé), cela nécessite d’adapter les activités, de penser différemment. On a également accueilli dans l’entreprise une apprentie, Inès. Elle va avoir 24 ans et après avoir travaillé dans la restauration, elle a décidé de se réorienter vers la peinture. Elle est actuellement en Brevet Professionnel au CFA. 

Quels dispositifs avez-vous mis en place pour adapter le travail de vos salariés seniors ? 

En premier lieu le temps : une tâche réalisée en 2 heures pour quelqu’un de « viable » va plutôt être effectuée en 3h30. On leur fait complètement confiance sur la gestion de leur temps. On a également décidé de travailler sur 4 jours et demi. Un autre volet important, c’est l’achat et le choix du matériel : on vient notamment d’investir dans un exosquelette à hauteur de 7000 euros. On laisse, par ailleurs, les salariés essayer et choisir leur véhicule afin qu’ils soient le mieux adaptés. Enfin, il convient d’ajuster les tâches pour les rendre moins difficiles. De mon côté, j’essaie toujours de transformer quelque chose de désagréable en quelque chose de plus simple et de plus rapide. On essaie aussi de tourner au maximum sur les activités, de façon à ce que le travail ne soit pas trop répétitif, que ce soit pour le corps ou pour le mental.

Quelle est l’articulation des missions entre votre maman et vous ? 

Les tâches sont bien réparties entre nous : elle est sur le terrain, avec les équipes, et de mon côté, je m’occupe de l’administratif et de la gestion de l’entreprise. Par contre l’aspect professionnel est toujours présent. Jusqu’à 23h, on discute de boulot… Il est temps qu’on lâche un peu ! Pour la première fois, nous allons faire une pause au mois d’août pendant 3 semaines.

Et l’ambiance de travail entre Inès, votre alternante, et les autres salariés de l’entreprise ? 

Très bien ! Nous ne sommes pas dans un conflit intergénérationnel. Au contraire, ce sont des profils complémentaires : Inès va apporter des touches de jeunesse à Hélène qui, elle, va lui faire partager son expérience. Cette cohésion d’équipe, c’est une question de personnalité mais aussi je pense de management. Disons que je peux me considérer comme « patron » dans toutes les tâches de gestion :  établir les factures, les devis, etc. Mais quand je suis sur le chantier avec tout le monde, je ne me mets pas dans cette posture : je suis Maxence, j’ai 23 ans et j’apprends grâce à mes collègues. On est sur un management basé sur la confiance, qui laisse beaucoup d’autonomie aux salariés. Lorsqu’on arrive sur un chantier, on pose la question : « qu’est-ce que tu as envie de faire ? ». Et l’organisation des tâches envisagée sous cet angle se passe en général bien ! 

Pour l’instant, êtes-vous satisfait des personnes que vous avez recrutées ? 

Oui ! Même si comme toutes les entreprises, on a eu un peu de turn over. Surtout lorsque l’on est dans une démarche d’insertion et vers un public plus « vulnérable », parfois ça ne marche pas… Mais c’est le jeu, un chef d’entreprise, il prend des risques tous les jours ! 

Pourquoi selon vous il y a une certaine frilosité des entreprises à embaucher des seniors ?

Parce qu’ils sont moins productifs. Et ça peut être perçu comme un investissement peu rentable : « je t’embauche mais dans 4 ans tu es à la retraite ». Or, à mon sens, il faut adopter une logique inverse et valoriser cette expérience : le salarié senior va venir apporter des choses à la boîte

Et puis, ce sont des profils qui sont moins « adaptables ». Pour ma part, je n’impose pas une méthode particulière. Par exemple, Hélène et Pascal peuvent avoir la même tâche à faire mais la réaliser complètement différemment. Peu m’importe le chemin, ce qui compte c’est le résultat : que le travail ait été correctement réalisé et que le client soit satisfait.

Est-ce que vous avez bénéficié d’aide pour employer ces personnes ? 

Non aucune… En revanche, on paie plus cher en assurance car ce sont des gens plus fragiles physiquement. À l’image de la politique en faveur de l’apprentissage, il devrait y avoir des dispositifs incitatifs au niveau fiscal ou des charges sociales. Cela encouragerait davantage les entreprises à se tourner vers ce type de profil.

C’est donc uniquement par conviction que vous avez choisi d’embaucher des profils seniors ? 

Oui tout à fait ! Je trouve injuste d’exclure les seniors du marché du travail, de les stigmatiser alors qu’ils souhaitent travailler et qu’ils ont de l’expérience. On reçoit, d’ailleurs, beaucoup de CV de candidats seniors qui veulent un coup de main. Quand les gens vous disent « ça fait 5 ans que je suis au chômage, je suis debout tous les jours et j’attends, je cherche », je trouve ça triste. Personne ne veut d’un salarié de 55 ans. Mais les mentalités commencent à évoluer.

Comment voyez-vous le développement de votre entreprise à moyen terme ?

Actuellement, on s’interroge sur l’opportunité d’embaucher un nouveau salarié pour répondre à la demande des clients. Mais ce recrutement impliquerait d’autres investissements : achat d’un nouveau véhicule, mise en place de formation… La question doit être mûrement réfléchie, au regard de notre capacité financière. À plus long terme, j’aimerais faire grandir l’entreprise tout en restant sur le même mode de fonctionnement. Le problème, c’est qu’à partir d’une certaine taille d’entreprise, c’est plus compliqué de laisser cette autonomie et cette flexibilité aux salariés… On verra ! 

Un dernier mot ?

J’ai commencé il y a deux ans tout seul, sans savoir où je m’engageais. Donc je suis allée toquer à la porte de la FFB de Mayenne et c’est génial ! Vous avez su m’aiguiller aussi bien sur les règlementations que sur les questions juridiques. Franchement la FFB pour ça c’est top ! »

On est sur un management basé sur la confiance, qui laisse beaucoup d’autonomie aux salariés »

Maxence LAZE

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